LA DOULEUR Partie 2


La douleur, c’est quoi ? A quoi ça sert ? Comment ça s’exprime ? Qu’est-ce qui l’influence ?

Émotion et douleur : le thalamus ; la mémoire

Travaux de la commission Recherche de l’A.I.P.D.B.S. 2019-2020  sur le sujet de la douleur. Cette recherche fait l’objet de plusieurs parties séparées.

La douleur, c’est quoi ?

  • La douleur est une sensation à la fois physique et émotionnelle. C’est une expérience personnelle : chacun ressent et réagit différemment face à sa douleur.
  • La douleur est difficile à définir car elle est personnelle et subjective : tout le monde possède les mêmes mécanismes de déclenchement de la douleur mais chacun la ressent différemment.

  • A quoi ça sert ? 
  • La douleur fait partie du système de défense de l’organisme. Lorsque le corps détecte une maladie, une blessure ou une anomalie, il déclenche un signal de douleur pour nous faire réagir : retirer la main du feu, ne pas marcher avec une entorse, nous soigner, … C’est donc un signal d’alarme pour permettre à l’organisme de réagir et de se protéger. 
  • Quand la douleur est chronique, ce mécanisme d’alarme n’est plus justifié : la douleur devient dans ce cas une maladie à part entière, l’expression du corps en réaction à autre chose qu’un simple stimulus mécanique, chimique ou thermique. 
  • Le signal est différent selon la cause de la douleur : une brûlure ne provoque pas la même sensation qu’une fracture. Mais la douleur varie également en fonction des personnes, de nos émotions, de notre mental, de notre stress, de notre éducation et de notre culture. 
  • Comment ça s’exprime ? 
  • La douleur se traduit par quatre expressions indissociables : 

  • Une sensation physique, caractérisée par la localisation, l’intensité et l’évolution de la douleur (« ça pique », ça fait « très mal», « ça diminue ») 
  • Une émotion, qui correspond à ce que nous ressentons moralement (« c’est désagréable », « c’est pénible », « c’est inquiétant », « c’est insupportable »)
  • Un comportement, qui correspond à notre manière de réagir à la douleur, de l’exprimer par le corps ou par la parole (position, grimace, pleurs, cris, plainte) 
  • Une réaction mentale, qui correspond à notre façon de la gérer, de l’interpréter, de lui donner un sens, de chercher à l’oublier ou à vivre avec.
  • (La plupart des soignants ont aujourd’hui intégré le fait que, pour comprendre et soulager la douleur, il faut donc prendre en compte sa cause physique ET les ressentis du patient, physiques et moral.)  

  • Les différents types de douleurs 
  • On distingue différents types de douleurs en fonction de leur mécanisme d’origine (nociceptif ou neuropathique) et de leur évolution dans le temps (aiguë et chronique) :
  • La douleur aiguë est intense, mais souvent brève. C’est celle que l’on ressent en se coupant le doigt, par exemple. 
  • La douleur est dite chronique (ou pathologique) lorsque la sensation douloureuse excède trois mois et devient récurrente. Les douleurs chroniques les plus fréquentes sont les céphalées primaires dont la migraine, les lombalgies, les douleurs neuropathiques et les douleurs arthrosiques et musculo-squelettiques.
  • Selon les mécanismes physiologiques en jeu, on différencie également :
  • Les douleurs inflammatoires,qui recouvrent toutes les douleurs associées aux phénomènes d’inflammation (il s’agit souvent de douleurs articulaires).
  • Les douleurs neuropathiques, associées à des atteintes du système nerveux central et périphérique (lésion de la moelle épinière, du nerf sciatique…)
  • Les douleurs mixtes, qui associent une composante inflammatoire et une composante neuropathique (ex. lombo-sciatiques). Elles sont souvent rencontrées dans le cadre de cancers ou après une chirurgie.
  • Les douleurs dysfonctionnelles : lorsqu’aucune lésion ne peut être identifiée (ex. fibromyalgie ou troubles fonctionnels intestinaux), elles pourraient être liées à des dysfonctions des systèmes endogènes de modulation de la douleur.
  • Les douleurs procédurales sont liées aux soins (pansements, pose de sondes, perfusion), certains examens complémentaires (endoscopie, ponction lombaire…) ou la simple mobilisation du patient. 

  • Le syndrome d’insensibilité congénital à la douleur (ICD)
  • Très rare, le syndrome d’insensibilité à la douleur (ICD) se caractérise par une absence, ou une diminution très forte de la sensation douloureuse, depuis la naissance. Cette maladie d’origine génétique provoque la plupart du temps une atteinte des fibres nerveuses transmettant l’information douloureuse. L’étude des rares cas de patients atteints par cette maladie permet aux chercheurs – en élucidant les mécanismes d’absence de douleur – d’améliorer la compréhension de la douleur « normale ».

  • Ne pas ressentir la douleur !
  • Deux personnes au monde ne ressentent ni la douleur, ni l’anxiété et les émotions négatives. 

L’une d’elles, Mme Jo Cameron, 71 ans, vit sur les rives du Loch Ness en Ecosse. Une vie d’autant plus paisible qu’elle n’a jamais connu la douleur de toute sa vie ! Brûlures, griffures, piment, elle ne sent rien. 

  • L’une d’elles, Mme Jo Cameron, 71 ans, vit sur les rives du Loch Ness en Ecosse. Une vie d’autant plus paisible qu’elle n’a jamais connu la douleur de toute sa vie ! Brûlures, griffures, piment, elle ne sent rien.
  • Aucune peine du point de vue psychique non plus : Mme Cameron confie n’avoir jamais été stressée ou anxieuse ; le sentiment de peur lui est même inconnu.
  • Elle est en fait atteinte d’une mutation génétique très rare (gènes «FAAH» et «FAAH-OUT») qui la prémunit de toute sensibilité physique ou psychique. Jamais une telle transformation génétique n’avait été observée jusqu’à présent chez un être humain.
  • Les scientifiques qui ont étudié ses gènes espèrent que son cas fera avancer la recherche dans les traitements contre la douleur

LES INFLUENCES à LA DOULEUR

  • L’influence du contexte 
  • La douleur peut être ressentie de façon extrêmement différente selon les individus, mais aussi chez une même personne, selon son environnement. Ces variations s’expliquent par le lien étroit entre la douleur et le contexte psycho-social. 
  • Le stress social et les zones cérébrales
  • Le stress social (= expérience du jugement négatif par autrui, étudié en général comme paramètre déclencheur de la dépression et des états inflammatoires associés) active entre autres des zones cérébrales qui s’activent aussi lors de douleurs physiques. Une hypothèse qui découle de ces observations neurologiques est que le stress social est biologiquement vécu comme une expérience douloureuse et le cerveau recourt aux mêmes mécanismes que pour le traitement d’une douleur physique.

Source :

https://www.techno-science.net/actualite/chainon-manquant-entre-stress-social-depression-N16869.html

  • Les centres cérébraux responsables de la perception de la douleur sont étroitement liés aux centres des émotions. Un moment de plaisir peut calmer un instant une douleur vive, alors que l’anxiété l’accentue et la rend plus difficile à vivre.
  • Le toucher fait baisser la sensibilité à la douleur
  • Tenir la main de votre chéri(e) pendant qu’il/elle souffre permet qu’il/elle ait moins mal !
  • Différentes recherches montrent que le toucher social peut affecter les émotions, réduire la détresse et diminuer la douleur chez l’homme.
  • Une nouvelle étude précise que la tenue de la main de son partenaire amoureux diminue l’anxiété et la réactivité de la pression artérielle au stress.
  • Cette étude (EEG) examine le couplage cerveau à cerveau pendant la douleur avec un toucher interpersonnel, et teste l’implication de la synchronie inter-cerveau dans le soulagement de la douleur. 
  • Les résultats indiquent que la tenue de la main pendant l’administration de la douleur augmente le couplage cerveau à cerveau dans un réseau qui implique principalement les régions centrales chez celui qui souffre et l’hémisphère droit chez son partenaire. 
  • La stimulation tactile interrompt l’entrée de la douleur au niveau de la moelle épinière, et les circuits neuronaux corticaux et sous-corticaux modulent l’effet analgésique de la stimulation tactile.
  • Extraits de l’article publié par Pavel Glodstein : 

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5856497/

  • Le toucher…et même juste la diversion ! Des études ont mis en évidence qu’un individu dont l’attention est sollicitée ressentira moins la douleur qu’un individu focalisé sur l’événement douloureux.

L’INTERPRETATION, LA MEMOIRE ET LES EMOTIONS

  • Le mécanisme électrochimique de transmission, interprétation et modulation de la douleur est important car il nous conduit, à l’aller comme au retour vers le cerveau et plus particulièrement vers une zone du diencéphale qui joue un rôle dans l’interprétation, dans le tri, dans la mémoire et dans les associations des informations : Le thalamus.  

I. Le thalamus : 

  • Le thalamus est un ensemble des nœuds de substance grise situé dans le diencéphale sur l’hypothalamus et l’hypophyse. C’est une plateforme ou arrivent toutes les informations sensorielles soit de l’environnement (à travers les sens de la perception, à l’exception de l’odorat) soit de l’intérieur de l’organisme (à travers le système nerveux périphérique et central).
  • C’est le thalamus qui rassemble, met et relation et interprète les informations avant de les transmettre aux zones correspondantes du télencéphale où elles sont transformées en sensations conscientes.  Le thalamus agit comme un filtre car seules les informations significatives peuvent passer, ce qui permet de protéger la conscience d’une saturation de signaux. Les informations sont travaillées par le thalamus qui donne et reçoit des feedbacks vers et du cortex. Il est partie intégrante de la fonction corticale. Des feedbacks sont faits non seulement entre le cortex et le thalamus mais entre le thalamus et tous les organes neuro/hormonaux qui l’entourent, à savoir : système limbique.
  • En filtrant les informations et en recevant des feedbacks le thalamus est le grand « influenceur » de notre organisme.
  • Le système limbique
  • Le système limbique est aussi connu comme le système des émotions, de la personnalité, des changements d’humeur. 
  • Il s’agit d’une unité fonctionnelle qui est formée par des structures du télencéphale, diencéphale et mésencéphale. Il est constitué du corps amygdalien, de l’hippocampe et d’une partie de l’hypothalamus.  
  • Il joue un rôle central dans le développement des émotions et sentiments, ainsi que dans la construction de la mémoire. Ses stimulis agissent sur diverses fonctions organiques à travers l’hypothalamus en intégrant les émotions dans les processus végétatifs et hormonaux. Par exemple, la tachycardie, la poussée tensionnelle ou la diarrhée lorsqu’il y a de l’angoisse. L’amygdale régule la mémoire et l’expression de la peur. L’hippocampe est chargé de la création des nouveaux souvenirs.

  • En étant en contact avec tout le système limbique, le thalamus a la possibilité d’influencer, de trier, d’interpréter toutes les actions de celui-là sur l’organisme.
  • En contact avec le cortex frontal, préfrontal et la formation réticulaire, le thalamus joue un rôle dans la prise de décisions, dans la mémoire de la sécurité, dans les niveaux de conscience et dans l’état d’alerte. Il joue aussi un rôle sur le cortex moteur et le corps strié en intervenant sur la coordination de mouvements.

  • II. La mémoire
  • En ce qui concerne la mémoire, mise à part les connexions avec le système limbique, le thalamus est en contact aussi avec les lobes pariétale et temporale, les quels jouent un rôle dans la création des souvenirs. 
  • De cette façon, le cerveau, avec au centre le thalamus, devient un réseau de échanges d’informations intra et extra cérébrales. Le thalamus est alors comme le centre d’une base des données où des informations non-conscientes sont aussi stockées avec celles qui deviennent conscientes. 
  • Pourtant notre mémoire ne peut stocker qu’une quantité limitée d’informations. Alors, dans cet ensemble neuronal chargé de la mémoire (engramme) il y a un réseau de réservoirs placés les uns derrière les autres en relation à leur capacité de supporter le flux par unité de temps, par rapport à leur fonctionnement et par rapport à leur capacité de stoker l’information dans le temps.
  • Chaque seconde arrive à notre cerveau un nombre incalculable des stimuli sensoriels. Le thalamus, avec tout le réseau de l’engramme, est chargé d’effectuer la vérification de l’intérêt ou non de ces données pour les classer finalement comme mémoire à court, à moyen ou à long terme. Il faut signaler que plus les stimuli sont intenses et plus ils sont persistants dans le temps, plus il y a des chances qu’ils soient classés dans le réservoir des mémoires à long terme.

  • III. Thalamus et douleur
  • Nous avons parlé du rôle du thalamus dans réception, l’interprétation, le tri et le stockage (mémoire) de l’information.  On sait aussi ses connexions avec le système limbique et les autres appareils neuronaux, de telle sorte que nous pouvons affirmer qu’il intervient dans les processus émotionnels, dans les traits de caractère ainsi que dans certaines réponses liées à l’activité motrice.
  • Nous savons aussi que la perception de la douleur (la nociception et la sensation douloureuse) est régulée dans le thalamus, lequel échange de l’information avec tout le réseau de neurones. Le thalamus, avec toute son équipe neuronale, fait que les douleurs deviennent conscientes. Il les associe à des émotions et avec elles, il les minimise ou les amplifie. En les liant à des souvenirs le thalamus attenu ou intensifie les douleurs. A travers cet ensemble des noyaux gris, les douleurs peuvent être aussi tout simplement ignorées (comme dans les cas d’extrême stress où la noradrénaline et la sérotonine sont envoyées pour couper complétement la porte d’accès à la conscience).
  • Ce qui a été dit jusqu’à maintenant concerne les mécanismes biologiques à travers lesquels la nociception et la sensation douloureuse prennent une place dans la conscience humaine. Pourtant la question sur les mécanismes qui motivent l’interprétation, le tri et les associations des informations au sein du cerveau n’ont pas encore été élucidés : pourquoi le thalamus choisit-il une information (douloureuse ou pas) plutôt qu’une autre ? Comment se fait le « triage » des associations ou combinaisons des informations ? Autrement dit, pourquoi une information s’associe-t-elle à un stimulus plutôt qu’à un autre ?
  • Sachant que l’activation de certains engrenages doit, en principe, répondre aux logiques qui dépassent la standardisation biologique et qui relèvent plutôt des histoires individuelles, il est très possible que les réponses sur ce sujet ne viennent pas si vite.
  • Et là, nous nous trouvons face à un côté subjectif du travail qui font le thalamus et ses associés… et pas seulement en ce qui concerne la perception de la douleur.

  • IV. Et la mémoire de la douleur ?
  • Pour finir, parlons un peu, non du rôle de la mémoire dans la perception de la douleur mais plutôt du rôle de la douleur dans la mémoire cellulaire.
  • Il est dit que des blessures ou des cicatrices dans le corps physique laissent des traces, pas seulement psychologiques (en dépendant de l’intensité de l’expérience douloureuse) mais aussi dans les corps plus subtils de l’être humain (niveaux astral, énergétique, etc.).
  • Mais là, nous nous retrouvons face à nos croyances… et peut être que le sujet devrait être développé alors dans un autre contexte… 

  • V. En résumé : 
  • 1. Il y a une différence entre la perception objective et neutre de la nociception et la perception subjective et relative de la sensation douloureuse.
  • 2. Au-delà des origines ou de la durée de la douleur, le mécanisme nociceptif est présent. Le fait qu’il n’y a pas de causes extérieures ni même des causes physiques ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’expérience douloureuse.
  • 3. Pour parler des relations entre la mémoire et la douleur, entre les émotions et la douleur ainsi que sur l’interprétation de la douleur, nous devons parler du thalamus et de ses appareils neuronaux connectés. Leurs interventions dans la perception de l’expérience douloureuse (intensité, duration, contexte, souvenirs, etc.) sont primordiales.
  • 4. Il y a un mécanisme biologique évident dans la perception de la douleur en lien avec la mémoire et les émotions.
  • 5. Il y a aussi un côté subjectif, encore voilé, dans le processus d’intégration de l’information (pas seulement douloureuse) par le cerveau.

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